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Black is the colour

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Black is the colour - Page 2 Empty Re: Black is the colour

Message par Alexian Oaken Sam 30 Mai - 15:03

La discussion l’entraîne dans des souvenirs qu’il n’avait pas spécialement envie d’expérimenter à nouveau. Loin en arrière, dans ce palais royal dans lequel le monde tournait autour des apparences, des confidences et surtout du désir. Dans le passé, Alexian n’a pas été très connu pour sa jalousie, ni encore pour sa possessivité envers quelqu’un. C’est cet endroit qui l’a créé avec la privation des rares liens sociaux qu’il possédait et de sa liberté. C’est le temps passé, confiné et tournant comme un animal en cage qui a construit, jour après jour comme on construit un mur l’envie irrépressible de garder Lyther près de lui. 7

« La meilleure des preuves c’est d’épouser quelqu’un ? » Il le demande prudemment, pas réellement convaincu de cette vérité. L’ancien garagiste est un homme simple mais, qui n’a pas beaucoup expérimenté l’amour dévoué. Uniquement quelques conquêtes d’un soir, des histoires sans lendemain. Le mariage, il ne l’avait jamais envisagé comme cela, il le voyait un peu comme une image satellitaire autour de lui, gravitant à l’orée de son réel mais ne croisant pas son cheminement. La seule personne qu’il aurait bien pu épouser un jour est son meilleur ami, et si le roux aurait sans doute adoré l’idée, craquant un petit peu sur lui, l’anglais n’a jamais vu une attirance suffisante pour lui offrir son cœur.

Ce n’est pas quelque chose d’anodin parce que c’est en un sens laisser la possibilité à l’autre de vous conquérir. Les terres inhabitées qui vous animent sont alors bravées par quelqu’un d’autre que vous et votre intimité est partagée. En définitive, ce n’est pas quelque chose qu’il se sent capable de faire pour n’importe qui. Evidemment qu’il se sent -triste ? – désabusé dans les propos de son ancien maître. Le sentiment de trahison n’a pas été ressentis uniquement par ce prince. Lui aussi, l’a cru mort et à pleurer sa perte des jours malgré la torture. Cela, il se garde bien de le dire.
Non, ce n’est pas une jolie discussion et la peine n’est pas le bon remède. Elle peut continuer pour le moment d’habiter ses rêves et ses nuits, c’est déjà un rendez-vous plus discret, loin du regard parfois trop intense de son « maître ». Le jugement il n’en veut pas réellement. Pour le moment, se délaissant successivement de ces pensées malades pour se concentrer sur le dessin.

La pose est bien faite, suffisante pour lui faire esquisser quelques coups de crayons bien utiles. La création est un peu leur terrain de jeu à eux deux, le seul endroit où ils ont réussi à communiquer cordialement les premières fois. En fait, le seul endroit réellement neutre dans lequel Ian se sent capable de dire des choses.
Il aimerait bien lui dire : « Ne vois-tu pas ? Je vous dessine tous les deux mais mon cœur ne parle que de toi ? Ne vois-tu pas que je  vous dessine de mémoire ? Que j’ai fais ce dessin là un millier de fois déjà » Parfois, les traits s’affirmaient presque par la force à ses paupières et la nuit, il grattait le papier pour dessiner les personnes qu’il rencontrait la journée. Officiellement pour garder une trace s’il parvenait à s’enfuir. Officieusement car c’était un petit peu son monde, sa famille qu’il représentait au fil des années. Des preuves, du temps passé et des choses qui se déroulaient là-bas.

Le dessin n’est pas parfait, il n’est qu’une esquisse que l’anglais dépose sur la table, jugeant sa qualité, une grimace assortissant ses lèvres. Il reprend déjà une autre feuille plus épaisse et un fusain cette fois, esquissant le couple dans une autre position. Plusieurs fois, Ian relève la tête et croise le regard de Lyther, détaillant son visage avec une forme de violence à peine dissimulée. Le regret, la colère, autant de ressentiments sur lesquels il ne parvient pas à passer outre.

Quand il parle, il ne se rend pas forcément compte qu’il s’était alors rendu dans un silence glacial. Sa voix est un peu incertaine sur le début :

« Change de pose, tourne-toi un peu, lève plus la tête. – il le dit comme un conseil mais qui reste impératif quand même – je ne crois pas être né sur cette planète par erreur. Je me suis toujours senti à ma place tu sais ? Enfin, avant qu’on m’enferme là-bas. J’aimais ma vie, je me sentais chez moi. Darien, il est comme il est, il n’a pas grandi comme toi ou moi…il n’a sans doute pas connu le même monde. Comme ton prince, ils sont nés avec le monde à leurs pieds. – Ian est bien incapable d’apprécier Erhard, peu importe les efforts et il ne s’en cache pas vraiment. – ça laisse des traces, bien plus que tu peux l’imaginer. Sans doute parce que parfois, ils n’arrivent pas à imaginer que le monde ne fonctionne pas tout à fait comme eux. C’est pour ça que Darien est trop persévérant et hautain. Il se sent légitime alors que toi, tu te sens illégitime. Comme si tu avais mis les chaussures trop grandes de ton père. »

L’image est surprenante mais parfois, il a ce sentiment-la aussi. La fin de la question de Lyther est pour le moment élidée car il ne sait pas bien quoi répondre. A la place, il lui tend la feuille croquée de fusain, ses mains déjà noircies par les essais successifs. « T’en penses quoi ? Je peux essayer plusieurs choses et on peut partir de là. »

D’un regard léger, il fixe l’écran dans le dos de Lyther, captant quelques images de la comédie musicale, plutôt tourmenter par la désignation de leur relation. Il n’y avait jamais vraiment songé et plus le temps avance, plus il se sent incapable de mettre des mots dessus.

« Tu es marié, on ne pourra jamais être un couple. - Il le dit assez tristement, balançant son fusain au travers de la table pour récupérer la gomme épaisse, effaçant un trait trop grossier à ses yeux. – il faudrait que ce soit partagé comme désir de toute façon.  Regarde-moi. »

Ian termine sa phrase plus doucement, pour observer ses yeux et pour pouvoir les dessiner. En réalité c’est aussi un bon moyen pour jauger son ressentis et pouvoir le confronter un peu à lui.
Alexian Oaken
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Black is the colour - Page 2 Empty Re: Black is the colour

Message par Leif Kräkenford Lun 1 Juin - 13:39

Il n'était pas facile de suivre l'avancement du dessin dans cette nouvelle posture ; mais poser permettait toutes sortes d'apaisements. Etre immobile, comme un reptile au repos ou une pierre dans la tempête. Etre présent, sans causer de douleur par un geste trop brusque. Etre touché, caressé par les mouvements de la mine, à distance, mais intimement, dans chaque détail de son corps. C'était un mode d'approche, une façon de se soumettre, sans en avoir l'air, sans en porter l'effort. Ils pouvaient s'habituer et s'observer, et ils semblaient se tenir toujours aussi distants, cette distance qui payait des dettes de rancunes indispensables pour passer à autre chose.

"Ne parlons pas de Hamlet, ça me ferait mal de t'expliquer qui il est. Je te donnerai un livre, cela vaudra mieux."

Des livres de poèmes, des pièces de théâtre en alexandrins qui parlaient de princes aux âmes tourmentées, il en avait bien davantage que nécessaire pour peindre les nuances tragiques de son meilleur ami, mieux que sa voix ne l'aurait pu ; le manque l'aurait arrêtée, il aurait perdu sa dignité sans pouvoir l'échanger contre une meilleure communication. Ça n'aurait servi à rien.

"Mais je peux te parler de Darien, son sort m'est égal. Darien est né dans une réserve indienne et a tout fait pour le faire oublier. Il fait des blagues sur les Indiens alcooliques qui ont des parts dans un casino, maintenant. Il est pire que moi, au point que ça ne se voit plus. Il porte toutes ses chaussettes les unes sur les autres, pour tenir dans ses grandes chaussures, et il ne pourrait plus porter celles qui sont à sa taille."

Son esprit dérivait, vers les profondeurs de l'aquarium qui étincelait à chacune de ses fenêtres, peuplé de cette vie qui se déplace au ralenti, fleurs animées de frissons aux teintes changeantes, fées aux ailes membraneuses, grands yeux phosphorescents qui ne clignaient jamais. Un monde irréel. Et toujours la séparation froide et lisse d'une vitre, qui gardait tout ce qu'il y avait de dégradant, de gluant, de poisseux, de vivant, là où ses nerfs ne pourraient pas le percevoir. Ne gardant que la vue et le tableau.

"J'imagine que tu me trouves lâche."

Il repensait à ce moment, à Londres, où il avait erré en songeant à la conversation qu'il venait d'avoir avec Damien. Pouvait-on lutter toute sa vie, de toutes ses forces, et arriver à ce jour où l'on se trouvait lâche ? C'était absurde. Enfin, pas plus que le reste des phénomènes qui avaient lieu de par le monde. Le courage ne consistait pas qu'à se débattre, il avait une portée de sincérité et d'éthique. Mais maintenant ? Dans cette cave aux allures de sous-marin victorien, devenu une entité à mi-chemin entre toutes sortes de monde, qu'allait-il devenir, quelle voie allait-il suivre ? Ian lui en voudrait-il toujours, de tout ce qui l'entraînerait ?

Alors, autant privilégier la sincérité, sans doute. C'était une question qui lui était posée. Autant se jeter à l'eau et y répondre. Se jeter à l'eau, c'était peut-être la solution.

"J'aime beaucoup."

Sa main se posa sur celle de l'artiste et s'imprégna des ombres qui la maculaient, en suivant l'un des dessins, une pose particulièrement intime, cette proximité physique qui était possible entre Lyther et son meilleur ami, et personne d'autre. Tel avait été le monde d'Alexian, et il en avait souffert, bien sûr. Puisque la tension s'était résolue par des affrontements et une violence involontaire, qui avait laissé à chacun une impression amère, un désespoir quotidien. Mais comme avec Snakeberry, l'ancien esclave était forcé de juger sans savoir tous les éléments. Il fallait lui expliquer pourquoi un rapprochement naturel avait été impossible, et ne cesserait de l'être qu'à mille conditions bien précises.

Il fallait commencer par lui dire que Lyther ne le rejetait pas. C'était plus complexe. Ce qu'il cherchait était là... Sous une forme qu'il ne pouvait pas reconnaître.

"J'aime la poésie calme dans ta voix. J'aime tes peurs et tes reculs, comme on aime les chevaux sauvages quand on appartient aux grands espaces. Si je ne peux sauver que toi, j'aurai sauvé mon âme. Le désir me gêne, il a pris trop de sens destructeurs, dans ta vie comme dans la mienne ; mais c'est toi que je voulais."

Chaque phrase était difficile à prononcer. Un filon déterré à coups de pioche. Les ongles en sang. Lyther regarda ses mains noires ; il avait lâché celles de l'artiste, mais il en ramena le souvenir sombre et poudreux à son propre visage, et en dessina sur chacune de ses joues quatre lignes parallèles, verticales, comme les barreaux d'une prison.

"Et je t'ai, maintenant. Toi non plus, ne sois pas lâche, ne te cache pas dans le déni." Avec un pauvre sourire, il ajouta comme quelqu'un qui sait de quoi il parle : "ça ne te fera pas de bien. Ce qui te ferait du bien, c'est toi qui le sait. Un tour en moto, ce soir, dans le désert ?"
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